Que prescrire ?
Un billet, une fois n'est pas coutume, plus sérieux pour
tous ceux qui prescrivent de la rééducation et qui hésitent, peut-être, sur le
contenu ou la tournure de leur prescription.
Cet article pourra être modifié au gré des commentaires, sur
certaines petites erreurs que j'aurais pu y commettre. Dans l'ensemble, les
informations ont été validées par la CPAM de ma région il y a quelques mois à
peine.
Combien de séances je lui mets ?
D'après la Nomenclature Générale des Actes Professionnels
(NGAP) :
Le bilan-diagnostic kinésithérapique est enrichi, au fil du
traitement, par la
description du protocole thérapeutique mis en oeuvre (choix des actes et des
techniques, nombre
et rythme des séances, lieu de traitement, traitement individuel et/ou en
groupe) (…)
Vous n’avez plus besoin de préciser le nombre ni le rythme
des séances
Nous sommes formés pour déterminer le nombre de séances, le
degré d'urgence et de fait la nécessité de suivi régulier. Certains patients
exigent les 3 séances par semaine prescrites quitte à être suivis à la chaîne
avec un résultat moins bon qu'en individuel.
Je ne suis pas sûr que la rééducation sera utile, je
prescris ou pas ?
Toujours d'après la NGAP :
Le bilan, extrait du dossier masso-kinésithérapique, permet
d'établir le diagnostic kinésithérapique et d'assurer la liaison avec le médecin
prescripteur. Ces évaluations permettent d'établir un diagnostic kinésithérapique
et de choisir les actes et les techniques les plus appropriés. (…)
Si vous hésitez, vous pouvez simplement prescrire un bilan
« Bilan masso-kinésithérapique dans le cadre de
douleurs lombaires avec rééducation si nécessaire »
« Bilan respiratoire du nourrisson dans le cadre d’une
rhinite débutante a priori sans atteinte bronchique et rééducation SI BESOIN »
Et nous jugerons de la nécessité réelle de la rééducation.
En dehors de tout conflit d’intérêt financier bien sur. #AutoTroll
On m'a appris à prescrire de la physiothérapie pour les patients lombalgiques. Ça m'emmerde, je ne sais jamais comment l'écrire et puis c'est long, c'est vraiment nécessaire ?
Le masseur-kinésithérapeute est habilité par la NGAP
(voir-ci dessus) à choisir après évaluation, les actes et les techniques qui
lui semblent le plus appropriées à la situation donnée.
Les mentions « Rééducation pour » ou « Kinésithérapie
pour prise en charge de » nous suffisent.
Ne vous aventurez pas à préciser les techniques à employer
sur des pathologies classiques.
A priori c’est notre métier plus que le votre, nous devrions
savoir nous débrouiller avec le diagnostic médical que vous aurez établi. Vous
gagnerez du temps et de l’encre.
« Le docteur a marqué qu’il fallait des massages »
Le massage n’est souvent pas la thérapeutique la plus
appropriée à une amélioration pérenne. Le massage a pour effet à
double-tranchant de fidéliser mais aussi de renforcer la dépendance des
patients aux soins. La musculation leur plaît rarement autant.
Face à vous, nous ne sommes rien et votre parole a force de
loi. Si vous l'avez noté, c'est que vous – hiérarchiquement plus haut placé –
vous l'avez jugé indispensable et prioritaire. Allez, après ça, leur faire
comprendre l'inverse.
Evoquez le diagnostic médical établi
Il y a une différence nette de prise en charge et de
tarification entre « rééducation
de la marche et de l’équilibre » et « rééducation de la marche et de l’équilibre
dans le cadre d’un syndrome extrapyramidal ». Si vous avez suivi, vous
pouvez même vous abstenir de parler de marche et d'équilibre.
Le diagnostic médical nous permet de préciser les objectifs
et les contre-indications éventuelles. Il est indispensable. Lorsqu'il existe.
Si la pathologie en question est rare, pointue et/ou
potentiellement vectrice d’effets secondaires notoires, n’hésitez pas à nous en
dire plus, le préciser sur l’ordonnance, ou dans un courrier à part.
« Rééducation du membre supérieur et du tronc à la
suite d’une mastectomie, sans ultrasons »
« Rééducation douce de la cheville gauche chez Mme X
qui présente une maladie auto-immune compliquée d'une fatigabilité importante »
Précisez nous les antécédents principaux.
Surtout ceux qui peuvent influencer les séances. Genre un
problème cardiaque. Pour nous éviter de coucher sur le ventre un patient
cardiaque que vous nous envoyez pour « massage du dos ». Et ne pas
vous importuner au téléphone quand on s’inquiètera de le voir bleuir chaque
fois qu’il monte sur la table. « Euh, vous saviez ou?? »
Y avait pas une histoire d’entente préalable ?
La demande d’accord préalable (DAP) en systématique avant
toute prise en charge n’existe plus.
Elle n’est nécessaire qu’à partir d’un nombre de séances donné et
ce, pour 14 pathologies spécifiques pour lesquelles vous trouverez les détails
dans le document ci-dessous. Si vous vous obstinez à prescrire un nombre de séances
et que celui-ci ne correspond pas, nous serons obligé de le modifier.
Si vous prescrivez 20 séances pour une « cervicalgie
commune », nous vous le renverrons au bout de 15, faute de pouvoir
poursuivre sans DAP.
Donc je n’écris plus urgent ?
Non. La mention « urgent » n’a plus de nécessité
administrative.
Elle induit en plus un chantage « affectif » des
patients qui se sentent prioritaires parce qu’urgents et qui exigent une réduction
des délais d’attente.
Concrètement, comment ça se passe ? Un exemple peut être ?
Vous prescrivez « Rééducation pour une première entorse
externe de cheville droite ». Le MK va effectuer en premier lieu un bilan
diagnostic masso-kinésithérapique (BDK) qui lui permettra d’évaluer le nombre
de séances nécessaires.
La pathologie « entorse externe récente » est
soumise à référentiel : 10 séances avant DAP. Le MK (dans l’inconscient
collectif, je suis un homme =D) estime les 10 séances nécessaires et
commence sa prise en charge. Au bout de 7 à 8 séances, il juge que la récupération
est plus lente que prévue et que les 10 séances ne suffiront pas. Pour aller
au-delà du nombre de séances portées sur le référentiel, il a besoin d’une
nouvelle ordonnance. Il va donc vous renvoyer le patient et s’il est cool, un
petit mot expliquant pourquoi. Vous êtes cool aussi, vous allez le croire alors
vous allez de nouveau prescrire à votre patient la même chose. Le masseur-kinésithérapeute
va alors poursuivre sur ce second traitement en remplissant CETTE fois la DAP
avec le nouveau nombre de séance préconisé, le tout, justifié par les éléments
cliniques relevés.
Je n’ai pas précisé le nombre de séances, la pathologie n’est pas soumise à référentiel et mon patient revient demander une ordonnance, je ne suis pas un distributeur de paperasse!?
Malheureusement si.
Si le patient revient c’est que nous sommes arrivés au bout
du nombre de séances estimées nécessaires lors du BDK initial. Il y a pu avoir
complications, retard d’amélioration clinique…
Un avis médical est donc jugé de nouveau nécessaire pour
poursuivre au-delà. En théorie, le patient devrait vous revenir avec un
courrier expliquant le parcours réalisé et les objectifs de cette prolongation
de traitement, prouvant que ce n'est pas une poursuite abusive. En théorie...
Commentaires
Quand je rédige une deuxième ordonnance pour plus de séances que le BDK initial avait prévu, dois-je remettre "bilan" ?
Nous n'avons pas besoin d'une prescription portant la mention "bilan" pour le facturer. De plus, le BDK est facturable toutes les 20 séances en général, toutes les 50 sèances pour affections neuro-musculaires spécifiques. (Parkinson, encephalopathie, SEP... )
Mais j'ai l'impression d'exercer dans un autre pays.
Dans mon pays à moi, le pays mantais, les kinés exigent des prescriptions, des renouvellements de prescriptions et ne sont pas contents quand on précise ce que l'on souhaite.
Bonne soirée et merci pour ce billet qui fera jurispridence dans les relations avec vo confrères. Je vous tiens au courant de la suite.
Du coup je reste toujours évasive sur l'ordonnance mais j'explique au patient ce qu'il a et je suppose qu'il le partage avec le kine.
On m'aurait menti??
@DocOkita Oui. En théorie, tout ce qui relève du secret médical devrait être consigné sur un courrier à part sous pli confidentiel. Nous ne gardons pas les ordo dans mon cabinet et reviennent directement aux patients. Le partage avec le patient c'est l'idéal même si parfois placer un interlocuteur non médical entre deux soignants peut transformer le message initial. Dans un monde parfait... le médecin twitterait en privé le kiné pour lui expliquer pourquoi il envoie un patient.
@Dr Agibus
Si le canal carpien impose une DAP d'emblée c'est qu'a priori il n'y a - sauf cas exceptionnels - pas/peu d'indication à la kiné. Le traitement est prioritairement chirurgical mais je n'ai que très peu de recul sur la question. Jamais vu de préop à ce jour.
Il faut que je me renseigne plus en avant concernant le urgent dans ce cas.
Du coup est ce que l'ordonnance est vraiment nécessaire, ne pourrait on pas faire un courrier à la place ce qui résout le souci du secret ? Je ne sais pas si vous devez envoyer les ordo à la sécu ?
Même remarque pour le diagnostic et le secret médical, pour ma part je rédige une ordonnance par exemple "kinésithérapie du membre inférieur pour paralysie du SPE dans les suites d'une fracture du tibia" à l'intention du kiné et je fais un double avec seulement "kinésithérapie du membre inférieur" transmissible à la sécu, j'ai bon ou pas ?
Question par ailleurs : le kiné doit-il transmettre son bilan au médecin prescripteur ? ça marche bien avec les orthophonistes, mais je n'ai JAMAIS de retour des kinés
Merci encore
Ce type d'article me semble bien trop rare. Il me semble y avoir quelques imprécisions et inexactitudes.
Mais d'abord en ce qui concerne les commentaires sur le secret professionnel la nomenclature précise qu'il faut une: "[...] prescription écrite du médecin mentionnant l'indication médicale de l'intervention du masseur-kinésithérapeute;"
Il est logique que la prescription puisse préciser rééducation d'une maladie de Parkinson plutôt que rééducation des 4 membres !
Mais il est vrai que les prescriptions ne vont pas au service médical mais à la caisse.
Alors que faire ? Je pense que les syndicats doivent poser la question en commission paritaire.
"Vous n’avez plus besoin de préciser le nombre ni le rythme des séances
Nous sommes formés pour déterminer le nombre de séances, le degré d'urgence et de fait la nécessité de suivi régulier."
Tout à fait d'accord mais les médecins doivent continuer à suivre le patient car "À tout moment, notamment au vu de la fiche synthétique, le médecin prescripteur peut intervenir, en concertation avec le masseur-kinésithérapeute, pour demander une modification du protocole thérapeutique ou interrompre le traitement."[NGAP] Il s'agit d'une prescription comme une autre. Il existe des formations. Il existe des référentiels que les médecins doivent connaître.
Pouvez-vous préciser cette affirmation ?
"Certains patients exigent les 3 séances par semaine prescrites quitte à être suivis à la chaîne avec un résultat moins bon qu'en individuel."
...sachant qu'il doit y avoir obligatoirement un travail individuel de 30' environ."Sauf exceptions prévues dans le texte, la durée des séances est de l'ordre de trente minutes. Hormis les modalités particulières de traitement prévues par le chapitre III, le masseur-kinésithérapeute,
ou la sage femme pour les actes de l’article 8 du chapitre
II, se consacre exclusivement à son patient.
"[NGAP]
Vous avez écrit : "Non. La mention « urgent » n’a plus de nécessité administrative."
En fait la notion d'urgence reste pour ce cas :
"Rééducation des maladies respiratoires avec désencombrement urgent (bronchiolite du nourrisson, poussée
aiguë au cours d'une pathologie respiratoire chronique). "[NGAP]
Cela permet au kiné de rajouter des majorations (Dimanche par exemple)
Vous avez écrit :
"Pour aller au-delà du nombre de séances portées sur le référentiel, il a besoin d’une nouvelle ordonnance."
Ceci est faux en cas de prescription qualitative (HAS ou hors HAS)
"Je n’ai pas précisé le nombre de séances, la pathologie n’est pas soumise à référentiel et mon patient revient demander une ordonnance, je ne suis pas un distributeur de paperasse!?
Malheureusement si.
Si le patient revient c’est que nous sommes arrivés au bout du nombre de séances estimées nécessaires lors du BDK initial. Il y a pu avoir complications, retard d’amélioration clinique…
Un avis médical est donc jugé de nouveau nécessaire pour poursuivre au-delà. En théorie, le patient devrait vous revenir avec un courrier expliquant le parcours réalisé et les objectifs de cette prolongation de traitement, prouvant que ce n'est pas une poursuite abusive. "
C'est faux réglementairement mais c'est une très bonne pratique médicale
A part ces quelques précision tout le reste est parfait. Bravo !
Je découvre certaines idées fausses dans le texte et les commentaires.
Je siège aux commissions de pénalités à la CPCAM .
Le médecin ne doit pas mettre la pathologie sur la prescription (SEP, Parkinson, Entorse,…) mais il peut préciser par exemple affection, ostéoarticulaire,… Le patient et les examens complémentaires apportent les renseignements manquants (Radio, echo,..).
Il faut refaire le plus souvent une autre ordonnance quand on dépasse le seuil pour une affection soumise à référentiel : c’est vrai car le contrôle médical oppose systématiquement un refus lors que la première ordonnance dépasse ce seuil. C’est certes un conflit de paperasserie mais il existe et le MK de base comme le Doc se heurte à cette complication administrative.
Correction d'une bourde 50 et non 30 pour la neuro
Le bilan peut être fait toutes les 50 séances pour une affection neurologique et toutes les 30 séances pour les autres. Le bilan doit être systématiquement joint avec toutes DAP sinon un refus administratif est émis.
De toute façon, les kinés doivent entretenir et créer un lien avec les prescripteurs. La rééducation est une discipline qui demande l’intervention d’une équipe soudée et en parfait entente ; le mot d’ordre est la CVOMMUNICATION.
IL FAUT DES Kin2sithérapeutes exercés aux bilans et surtout il faut les communiquer aux prescripteurs.
DAVID
"Le médecin ne doit pas mettre la pathologie sur la prescription (SEP, Parkinson, Entorse,…)"
Source de cette affirmation?
"c’est vrai car le contrôle médical oppose systématiquement un refus lors que la première ordonnance dépasse ce seuil."
Source de cette généralisation?
"C’est certes un conflit de paperasserie"
Ce n'est pas un "conflit de paperasserie". Il faut savoir si c'est règlementaire ou pas.
"Il faut refaire le plus souvent une autre ordonnance quand on dépasse le seuil pour une affection soumise à référentiel :"
Ce n'est pas dans la règlementation.
"Je découvre certaines idées fausses dans le texte et les commentaires.
Je siège aux commissions de pénalités à la CPCAM ."
Et moi je contrôle... (mais je peux me tromper dans mes affirmations)
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