Fausse note
Le ciel est bleu, moucheté de quelques nuages blancs
éblouissants. Le soleil se faufile entre les bâtiments. Il fait bon. A l’ombre,
je frissonne un peu, il fait encore frais. Dans l’air, il y a le goût de la
vie. Cette odeur de fraîcheur des premiers jours du printemps a tenu jusqu’en
ce début de Juillet. Qu’à cela ne tienne, j’adore ça.
Sur le parking, une jeune femme se penche, les
mains sur les genoux, le souffle court. Son homme lui caresse doucement le dos,
une valise en bandoulière, une liasse de papiers dans la main. Elle prend une
longue inspiration, se redresse, sourit tant bien que mal et suis son énorme
ventre dans les quelques marches qui l’orientent vers la maternité. Je leur
souris en passant eux qui attendant sagement l’ascenseur après lequel leur vie
va changer. Ils sont jeunes, ils me sourient. Ça doit être le premier. Un jour, ça sera mon tour.
La journée est belle. J’ai le sourire de ce matin collé aux
lèvres, une jolie chanson en tête. Ma candeur de gosse est exaltée par ce temps
idéal, et ma bonne humeur fait sourire, à défaut de miracles, mes patients. Peu de
galères au rendez-vous, quelques beaux instants de complicité en équipe.
Je termine par un appel pour un bout de chou en pédiatrie.
Pas de précision, j'imagine un petit 4 à 8 mois, avec une belle bronchiolite.
Ma collègue parie, elle, sur une crise d’asthme.
La réalité est toute autre. L’enfant, deux ans, est malade
depuis sa naissance. Une vague maladie neurologique dont je n’ai pas retenu le
nom, pas envie peut-être. Un regard absent, une motricité faible et discrète
mais de vraies dents de crapules qui auraient garni un sourire de pirate, si
elle avait pu sourire. Et aujourd’hui, une hospitalisation pour explorer une
pathologie respiratoire a priori bénigne.
Le pédiatre me remercie de ma séance, me questionne aussi
beaucoup, lui et moi ne comprenons pas certains éléments du bilan, rassurant au
demeurant. Il me regarde d’un air peiné. La pathologie de base est trop grave,
la petite a une espérance de vie en année qui se compte sur les doigts d’une
main, et encore, si tout va bien.
Dans l’escalier où j’ai croisé les futurs parents ce matin,
je refoule quelques larmes. Parce qu’aujourd’hui, quand d’autres se préparaient
à accueillir un premier né, il y a une maman, quelque part qui a habillé une
petite fille au regard vide comme une princesse, qui a soigneusement coupé ses
ongles minuscules et qui l’a emmené, une fois de plus à l’hôpital en espérant
que cette fois ne serait pas encore la dernière. Mais une maman qui sait que sa fille ne fêtera jamais un
anniversaire à deux chiffres.
C'était une belle journée au goût délicat mais un peu amer.
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